5/2017

INTÉGRATION: LA MINISTRE DE LA JUSTICE EN INTERVIEW

«Je crois qu’il n’est pas dans l’intérêt des cantons de recevoir des fonds de la Confédération pendant aussi longtemps que possible.»

Cette dernière reste toutefois une tâche commune de la Confédération et des cantons. Les Grisons, qui affichent les meilleurs résultats en matière d’intégration sur le marché du travail, dépensent dans ce but entre 12000 et 24000 francs par personne et par an. Le for- fait fédéral ne se monte toutefois qu’à 6000 francs. Cela ne signifie-t-il pas que la Confédération devrait débourser beaucoup plus afin de permettre une intégration rapide et réussie? Sommaruga: Je crois que la facture à long terme est déjà payante pour le can- ton des Grisons. Car plus les réfugiés qui travaillent sont nombreux, moins les dépenses pour l’aide sociale sont éle- vées. Mais cela ne veut pas dire que nous n’avons pas de compréhension pour les requêtes des cantons. Le conseiller aux Etats PLR Philipp Müller demande dans une motion que l’aide accordée par la Confédération aux cantons pour l’intégration dure dix ans, au lieu des cinq à sept ans actuels. Les propos tenus ci-dessus laissent toutefois penser que ce n’est pas la durée des versements qui est détermi- nante. Sommaruga: Je crois qu’il n’est pas dans l’intérêt des cantons de recevoir des fonds de la Confédération pendant aussi longtemps que possible. Nous de- vons trouver ensemble comment effec- tuer une intégration rapide et de qualité. Une partie des réfugiés est extrêmement motivée, dispose de qualifications pro- fessionnelles et de capacités linguis- tiques. J’en ai fait l’expérience avec une famille syrienne. Les enfants parlaient déjà allemand après trois mois. D’autres réfugiés ont plus de peine à s’insérer dans le marché du travail ou à l’école. Ils n’ont peut-être jamais appris à ap- prendre parce qu’ils ne sont jamais allés à l’école. Il est donc d’autant plus impor- tant d’encourager les capacités de cha- cun.

mêmes: intégrer aussi rapidement que possible les réfugiés sur le marché du travail. Si nous arrivons à atteindre cet objectif ensemble, tout le monde sera gagnant. Indépendamment de l’ampleur des moyens engagés, il importe de dé- finir les bonnes incitations, afin que les cantons effectuent les investissements nécessaires. Certains cantons sont très actifs et obtiennent de bons résultats en matière d’insertion dans le monde du travail. D’autres le sont moins. Les inves- tissements doivent être rentables. Nous attendons aussi des réfugiés qu’ils fassent des efforts pour s’intégrer. Et nous récompensons cet engagement avec des incitations financières. Que va-t-il maintenant se passer? Sommaruga: Avec les cantons, nous avons décidé d’examiner les différents facteurs de coûts. La question des re- quérants mineurs non accompagnés mérite certainement une réponse ur- gente. Nous allons essayer de trouver une solution d’ici l’été. Pour les per- sonnes au bénéfice d’une réinstallation, qui viennent directement d’un camp de réfugiés du HCR et qui sont particulière- ment vulnérables, malades, âgées ou traumatisées, la Confédération verse déjà des sommes plus importantes. Dans le cadre du projet pilote de réins- tallation, le forfait d’intégration atteint 26 000 francs par personne. Dans le deuxième programme de relocalisation, le montant de 17000 francs versé aux cantons est aussi nettement plus élevé que le forfait d’intégration ordinaire. J’ai d’ailleurs été très satisfaite de voir que des cantons se sont annoncés volontai- rement pour participer à ce programme fédéral de réinstallation, alors qu’à ce moment-là de nombreuses personnes demandaient l’asile. Et j’ai rencontré des responsables communaux très engagés qui se sont volontiers déclarés prêts à assumer cette tâche supplémentaire. C’est un constat positif. Je le répète: la Confédération est consciente que l’inté- gration implique des coûts importants.

L’intégration est particulièrement ur- gente compte tenu du fait que près de la moitié des réfugiés et personnes admises à titre provisoire ont moins de 25 ans. Comment peut-on offrir une perspective à ces jeunes? Sommaruga: C’est justement chez ces jeunes que l’on voit clairement com- ment l’intégration est payante et com- bien le potentiel est grand. 10000 places d’apprentissage sont inoccupées en Suisse. Dans le même temps, beaucoup de ces jeunes veulent travailler. Nous avons parlé des Grisons. Ce canton a constaté que le potentiel pour une inté- gration sur le marché du travail était présent chez trois quarts des personnes concernées. Il y a aussi beaucoup de bons exemples dans d’autres cantons. Les cantons peuvent apprendre les uns des autres. Et les communes sont tout particulièrement sollicitées lorsqu’il s’agit de montrer à ces jeunes quelles sont nos règles. Que voulez-vous dire? Sommaruga: Avoir une activité ne signi- fie pas simplement faire quelque chose. Il s’agit aussi d’être ponctuel et de faire partie d’une communauté. Les com- munes peuvent apporter beaucoup de choses dans ce domaine. J’en ai person- nellement fait l’expérience en tant que conseillère communale de Köniz (BE). Lorsqu’un programme d’occupation marche bien, d’autres personnes concer- nées s’y intéressent. Les communes peuvent avoir recours à leur réseau et créer un climat positif dans les entre- prises locales et dans la population. Des projets avec des bénévoles fonctionnent également parallèlement. Nous testons par exemple un programme de mento- ring. Des réfugiés sont accompagnés dans leur quotidien par un parrain ou une marraine. Ou sont parfois invités par ces derniers à partager un repas chez eux. Les possibilités pour les communes d’apporter avec la population une contri- bution à l’intégration sont presque illi- mitées.

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COMMUNE SUISSE 5 l 2017

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