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POLITIQUE

«Le milicien type est un homme»

Une fois en fonction, les femmes constatent qu’elles se sont sous-estimées – tandis que chez les hommes c’est l’inverse. C’est l’une des conclusions de l’enquête menée par l’Université de Berne. Entretien avec Martina Flick Witzig.

manière plus légère et se rendent compte, une fois en fonction, qu’ils ont sous-estimé les exigences. Qu’entreprendre pour que les femmes soient plus enclines à se présenter aux élections? Flick: Une idée serait que les femmes d’ores et déjà actives au sein d’un con- seil communal recherchent activement des femmes potentiellement intéressées à s’engager pour un mandat politique. L’idée d’un échange actif sur la réalité du poste, voire même la possibilité d’assis- ter à une réunion de l’exécutif pourrait être une idée d’action. Une autre possi- bilité serait la mise en place de cours de formation pour faciliter la prise de fonc-

A quoi est due cette situation? Flick: Une des explications pourrait être l’introduction tardive du droit de vote des femmes en Suisse. La politique est restée longtemps, plus que dans les pays voisins, exclusivement masculine. Il est possible que cela ait encore un im- pact aujourd’hui. Les femmes sont plus impliquées dans le travail domestique et sont encore moins susceptibles d’avoir une activité professionnelle com- parativement aux hommes. Dans ce sens, le travail bénévole sera plus orienté vers l’environnement domes- tique et le voisinage immédiat. Quelles sont les raisons qui dissuadent les femmes de s’engager dans le travail de milice? Flick: Dans le cadre de notre étude, nous avons cherché à isoler les craintes que représente le travail de milice avant une entrée en fonction. Les hommes et les femmes sont touchés de manière égale par la crainte d’être exposés en public ou par les contraintes liées au temps. La grande différence réside dans la crainte de ne pas disposer de suffisamment de connaissances pour la fonction: elle est deux fois plus élevée chez les femmes. Flick: Oui, l’étude arrive à cette conclu- sion. Ce qui est intéressant, c’est que nous n’avons pas seulement posé des questions sur les craintes, mais aussi sur la concrétisation de ces dernières après la prise de fonctions. Cet approfondisse- ment donne une image totalement différente: les femmes autant que les hommes avaient globalement sous- estimé les défis avant l’élection. Mais les hommes avaient effectivement sur- estimé leurs connaissances profes­ sionnelles. Cela signifie-t-il que les femmes ont moins confiance en elles? Les femmes ont-elles plus de respect pour la fonction? Flick: Le respect est certainement un élé- ment, mais concrètement l’étude mon- tre que les femmes se sous-estiment. Les hommes abordent cette fonction de

Madame Flick, les communes ont de plus en plus de peine à pourvoir les pos- tes de miliciens. Qui est le plus suscep- tible de s’engager aujourd’hui dans le système de milice au niveau communal? Martina Flick: Le milicien type est un homme entre 40 et 64 ans qui dispose d’un niveau d’éducation formel élevé, d’une bonne situation professionnelle et de revenus relativement élevés. Il vit également dans sa commune depuis de nombreuses années et y est bien ancré. Où sont les femmes? Flick: Les femmes sont également très impliquées. Cependant, leurs priorités sont différentes: dans les activités béné- voles comme le travail de milice, les hommes sont deux fois plus représentés que les femmes. Dans les associations et les organisations, la représentation est à peu près égale. En revanche, les femmes sont nettement majoritaires dans le travail bénévole informel, comme l’aide au voisinage ou le soin des personnes âgées. Martina Flick dans son bureau à l’Université de Berne. Elle explique dans l’interview pourquoi les femmes sont sous-repré- sentées dans le travail de milice et com- ment cela pourrait changer. Photo: Martina Rieben

Martina FlickWitzig est assistante à la chaire de politique suisse et de socio- logie politique de l’Université de Berne. Elle s’intéresse aux institu- tions politiques de la Suisse, notam- ment au système de milice. Avec les professeurs Markus Freitag et Pirmin Bundi, elle a réalisé l’étude «Milizar- beit in der Schweiz» (le travail de mi- lice en Suisse), qui a été publiée en mai 2019 par le NZZ Libro-Verlag. L’Association des Communes Suisses a accompagné le travail de recherche en tant que partenaire du projet.

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COMMUNE SUISSE 1/2 l 2021

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